Le manifeste

Les objets qui nous entourent sont anciens ou contemporains, rare ou de grande série et à défauts d’êtres conçus sur mesure répondent rarement exactement à nos besoins esthétiques et pratiques nous contraignant à nous adapter ou adapter nos intérieurs à eux.

Or, un bon design est à mon sens un objet pratique, facile à utiliser, esthétique, qui n’enlaidit pas notre environnement lorsque l’on ne l’utilise pas et est adapté aux modes de vie contemporains.

Lorsque cela ne fonctionne pas, on se débarrasse des objets en les vendant ou en les jetant.

Tous ces objets finissent par remplir nos déchetteries alors qu’une nouvelle vie peut leur être donnée parfois en passant par le marché de l’occasion qui peine à en absorber le volume impressionnant. D’après le rapport de l’ADEME sur la filière éléments d’ameublement : Un peu plus de 3 millions de tonnes d’éléments d’ameublements ont été mis sur le marché alors que 1,27 millions de tonnes étaient collectés par les divers organismes de collecte en France en 2022.

Cependant, toujours selon le rapport de l’ADEME sur la filière éléments d’ameublement : « Tous types de mobiliers confondus, 79 365 tonnes d’éléments d’ameublement ont été déclarés entrantes en structure de réemploi-réutilisation en 2022. Sur ces quantités entrantes, 40 069 tonnes ont été effectivement réemployées ou réutilisées, c’est-à-dire qu’elles ont trouvé preneur pour une nouvelle vie. Cela représente 1,32 % des tonnages mis sur le marché en 2022. »

Une autre possibilité s’offre à nous afin de donner une nouvelle vie à tous ces éléments d’ameublement et potentiellement à moindre coût.

Pour ce faire, on a le choix entre plusieurs écoles ayant chacune leurs intérêts et leurs inconvénients.

Tout d’abord, la restauration qui rétablie l’état premier de l’objet (esthétique, forme et fonction), le figeant dans son état d’origine, dans le passé. Ainsi le contexte et le cadre de l’objet devront être adaptés à l’objet alors que le bon design voudrait que l’objet soit adapté au besoin contemporain sous toutes ses formes.

Deuxième possibilité, la réparation. Celle-ci vise à réhabiliter la fonction d’un objet, car elle correspond toujours au besoin contemporain, mais a tendance à l’enlaidir à moins d’effectuer une réparation créative. Ainsi on accepte l’évolution de l’objet, certes seulement esthétique mais évolution tout de même, ce qui le réinscrit partiellement dans le contexte contemporain.

Troisième possibilité, la réparation créative et plus précisément le Kintsugi. Ceci est une technique naît dans le japon du XVème siècle qui consiste traditionnellement en la réparation d’une porcelaine par collage des parties cassées et reconstitution des parties manquantes à l’aide de résine naturelle et leur mise en valeur avec de la poudre d’or.

Ainsi,comme dans la réparation, on rétabli la fonction de l’objet. Cependant, la cassure maintenant embellie l’objet, devient son atout esthétique le plus évident. Son caractère unique en fait un élément différenciant. Aussi, au lieu d’enlaidir l’objet une fois réparé, le choix du matériaux et de la couleur utilisés pour la réparation souligne cette différence et améliore l’esthétique de l’objet. La cassure maintenant réparée est l’incarnation matérielle du vécu de l’objet.

Le Kintsugi inscrit l’objet dans le passé et le présent en même temps, lui rendant sa fonction et apportant un plus esthétique. Mais l’objet n’est pas pour autant un bon design répondant aux besoins de fonction et d’esthétique du contexte contemporain.

En élaborant sur cet esprit Kintsugi, ont peut remplacer un morceau manquant d’une porcelaine par un morceau provenant d’une autre.

On peut alors élargir le domaine d’application du kintsugi en l’applicant au reste du mobilier en prenant un morceau de meuble cassé pour en réparer un autre. Afin de rendre ce type de réparation plus abordable on peut créer une pièce préfabriquée et standardisée afin de réparer l’objet, plus seulement la porcelaine, et ainsi lui épargner l’abandon voire la déchetterie. Cette pièce préfabriquée est un greffon.

On obtient alors, par exemple, Réanim (2004) de studio 5.5. Ici, la réparation est standardisée par l’ajout d’un élément préfabriqué, qui remplace la résine utilisée dans le kintsugi, à l’objet endommagé. Ainsi, la fonction est rétablie alors que l’esthétique et la forme sont modifiées.

On peut dès lors aller un peu plus loin et altérer la fonction de l’objet initial par l’ajout d’un greffon.

On entre alors dans le domaine du Transdesign, la quatrième possibilité. Le nom Transdesign est dérivé du terme Transhumanisme qui désigne le mouvement visant à défendre l’utilisation de la technique pour transcender les limites physiques et mentales du corps humain.

Le greffon peut encore être utilisé dans le cadre d’une réparation créative mais ira au-delà en développant la fonctionnalité de l’objet en plus de rétablir sa fonction de base et d’altérer son apparence et sa forme. Il peut aussi, dans le cadre du Transdesign toujours, être utilisé hors du cadre de la réparation en étendant la fonction ou ajoutant une nouvelle fonction à l’objet et en altérant sa forme et son apparence.

Le greffon avoir une esthétique, une forme et une fonctionnalité différentes, plus contemporaines. Il peut-être retiré, remplacé et est empilable c’est à dire qu’un autre peut-être conçu ultérieurement pour venir compléter l’ensemble.

Les modifications apportées doivent-être résorbables. Un retour en arrière doit-être possible si le monde contemporain reconnaît à nouveau la valeur de l’objet dans son état originel.

Ce concept se différencie des systèmes modulaires qui, eux, dés la conception, intègrent une base et des éléments complémentaires. En général la base du système modulaire a souvent peu ou pas de fonction en elle-même, tout l’intérêt vient des modules qui s’ajoutent à celle-ci.

Print Your Duralex (2015 par studio 5.5) par exemple pourrait s’apparenter à un système modulaire, cependant, le verre Picardie de Duralex a été créé en 1945 en tant qu’objet fini, début milieu et fin. Les éléments conçus par le studio 5.5 à la demande de Duralex pour les 70 ans de la marque sont donc plutôt des greffons qui peuvent être ajoutés à des verres Picardie afin d’en transcender la forme, l’esthétique et la fonction.

Le bon design vise à créer des objets conçus pour répondre aux besoins et goûts contemporains en terme de fonctionnalité et d’esthétique. Cependant ceux-ci changent très rapidement et de plus en plus vite. Les objets même design deviennent inadaptés et se retrouvent souvent mis de côté, sont exclus de la démarche de design. On doit alors s’adapter à ces objets au lieu de les adapter à nos besoins ou ils finissent en décharge parfois en passant par le marché de l’occasion qui peine à en absorber les volumes trop importants.

Le transdesign permet de réinsérer ces objets dans la démarche de design. Ainsi, au lieu de créer encore et toujours plus d’objets ex-nihilo, on devrai suivre la tendance Transdesign, se concentrer bien plus sur la création de greffons pour donner une seconde vie aux objets déjà existants afin de les adapter au contexte contemporain ce qui résultera potentiellement en une baisse de la production de déchets et contribuera à mieux préserver l’environnement.